Un lac entouré d'arbres et d'une montagne.

Augustin Dumont

Professeur agrégé de philosophie à l'Université de Montréal

Auteur d’une thèse de doctorat consacrée à l’articulation de l’imagination transcendantale au langage et à l’affectivité chez Fichte et Novalis, je travaille initialement à l’intersection de l’idéalisme allemand et du romantisme allemand dans une perspective librement néo-fichtéenne. Un tel arrière-fond postkantien constitue ma première ressource, mais ma recherche s’alimente également au contact d’autres auteurs et d’autres courants de la philosophie moderne et contemporaine (du cartésianisme à la philosophie des formes symboliques de Cassirer en passant par le kantisme et la phénoménologie). Elle s’offre également à un constant décentrement à travers la confrontation à la littérature et à l’art en général. Sur cette base historique, je tente de contribuer à l’élaboration d’une philosophie transcendantale renouvelée dont l’imagination créatrice constituerait le foyer, et qui assumerait à la fois sa portée métaphysique et sa double dimension spéculative et constructiviste. On se situe ainsi à l’interface de la « théorisation » et de la poièsis, c’est-à-dire du « faire » philosophique comme travail de la pensée incarné, social et historique, doublé d’une pratique d’écriture.

Dans ce cadre, je m’intéresse en particulier à l’expérience sensible en suivant le fil rouge de l’imagination et de l’image ; je travaille aussi la question du néant et de la négativité ainsi que celle du possible et de l’impossible ; je m’intéresse également aux relations entre transcendantalisme et historicité, entre transcendantalisme et philosophie de la nature, ou entre transcendantalisme et clinique ; je travaille enfin sur les liens entre fiction et connaissance transcendantale. En contribuant ainsi tant à l’épistémologie qu’à l’anthropologie philosophique, en passant par l’esthétique et, à l’occasion, par l’éthique, je tente de reconduire par divers chemins le geste transcendantal à ce que Fichte nommait sa « problématicité » inaugurale.

Tout en m’efforçant de soutenir la vitalité de l’école idéaliste, l’enjeu pour moi n’est pas tant d’inscrire de manière définitive le transcendantal dans telle ou telle tradition épistémologique, et pas davantage d’en faire l’illustration de telle ou telle ontologie bien délimitée, que de lui reconnaître un statut réflexif privilégié : celui de la genèse spéculative des différents points de vue possibles « du » monde et « sur » le monde. Une telle genèse est indissociable de ces multiples points de vue en même temps qu’elle leur est irréductible, n’étant pas un point de vue parmi d’autres mais demeurant néanmoins un point de vue singulier qu’il faut inscrire dans un rapport de tension fécond avec son ou ses points de vue « autres » et avec l’empirie en général. Je cherche ainsi à réactiver la dimension d’imagination propre à toute quête transcendantale des conditions de possibilité de notre rapport au monde et de nos expériences du monde, et à réinterroger la possibilité d’« attester » en commun de ces conditions à même leur caractère de fiction nécessaire.

Ainsi, le transcendantal – qui dans cette optique entend parcourir tout l’arc de cercle conduisant des « faits », au sens néokantien du terme, à leur souche spéculative et retour – se conçoit comme un travail de réécriture constante et non comme un ensemble de décrets dont le caractère nécessaire risque toujours de devenir arbitraire. Il s’agit alors d’envisager la philosophie transcendantale comme une véritable expérimentation où l’énigme de notre finitude se voit indéfiniment réélaborée et interprétée.